1 – Sources
Ce que nous pratiquons à Espace Yoga 76 est principalement issu de formations ou enseignements donnés par Alain Duhayon. Il enseigne depuis cinquante ans le yoga, la méditation et le yoga nidra et a longtemps dispensé des formations en hôpitaux, principalement, sur le deuil et la prise en charge de la douleur, prenant en compte celle du malade, de la famille et du soignant. Effectivement issu de sa longue expérience, commencée dès l’enfance, son enseignement est tout à fait en accord avec celui du bouddhisme en général et de Lama Teunzang en particulier.
Lama Teunzang, que nous avons rencontré grâce à Alain Duhayon, dispense un enseignement précieux, issu de la tradition orale Kagyu du bouddhisme tibétain. Nous nous efforçons de nous en inspirer.
Alain Duhayon a toujours encouragé les personnes à une attention bienveillante envers soi et les autres, à l’écoute de ce qui en nous s’exprime, que ce soit des traces de douleurs passées, qui ont besoin d’être entendues pour s’apaiser, ou des potentiels positifs présents en chaque être. Pour plus de précisions, il est possible de consulter ses deux premiers livres :
Petits galets sur le chemin, Rabsel Editions
Ce premier ouvrage expose les bases.
Être ici et maintenant, en chaque instant de la vie, Rabsel Editions
Ce deuxième ouvrage offre de nombreuses explications et conseils sur les moyens à mettre en œuvre au quotidien, qui font suite à un bref rappel des bases.
Ces livres sont en vente à Espace Yoga 76 ou en ligne à l’adresse http://www.rabseleditions.fr/
2 – De l’esprit du yoga tel que nous nous efforçons de le pratiquer à Espace Yoga 76
Selon les Yogasutras de Patanjali (le plus vieux texte indien sur le yoga), « le Yoga est la cessation de l’activité automatique du mental ».
On est loin du travail postural pour avoir moins mal au dos ou perdre quelques bourrelets, ni même pour mieux dormir : il s’agit avant tout de « s’éveiller ».
Autre citation, et non des moindres, du Vénérable Lama Teunzang, moine et yogi de grande expérience, lors de sa deuxième visite au Havre en 1979 : « Yoga veut dire union ».
C’est bref, mais peut éclairer toute notre pratique du yoga.
Parlait-il de l’union de l’intérieur et de l’extérieur, alors que toute notre existence est polluée par le sentiment de séparation entre soi et le monde ? Parlait-il de l’union du corps et de l’esprit ? De l’union du cœur et de la raison ? ou encore de l’union de ce qui perçoit avec ce qui est perçu ? Trancher serait réduire cette parole qui peut s’appliquer à toutes nos façons d’être séparés.
Alors que tout est vécu en termes de séparation, alors que la séparation est entretenue de toutes les façons, il est clair que quelques minutes, ou même quelques heures de yoga par semaine ne seront qu’un modeste pas vers cette expérience : « être en Yoga » (être en union avec nous-même et le monde). Mais nous pouvons toujours progresser, identifiant et laissant se dissoudre ce qui est facteur de séparation et générant ce qui est facteur d’union, pour découvrir finalement ce qui est, au-delà de nos espoirs, craintes et interprétations.
La façon d’aborder le plan asana (3e des 8 plans du yoga, selon les yogasutras de Patanjali), ne devrait pas être encombrée de préoccupations à propos des capacités physiques, le point important étant l’observation de ce qui s’élève dans l’esprit (sensations, sentiments, pensées, etc…). Notre façon de percevoir et d’agir de façon juste s’appuie principalement sur l’attention au corps, l’attention au souffle et l’ambiance amicale. Le pratiquant peut d’abord susciter cette dernière puis la découvrir réellement en lui-même, dans l’apaisement qui va de pair avec ce climat sans jugement.
Souvent, le corps est une idée, une image, un produit du passé mais aussi un objet que nous considérons comme une entité solide, qui ne peut évoluer et l’aspect tactile n’est présent que lorsque la douleur se manifeste ou lors de stimulations particulières.
Dans une pratique de yoga, nous apprenons à sentir le corps, même s’il n’y a pas de stimuli remarquables. A travers l’attention à la sensation tactile, nous éprouvons une meilleure continuité de présence. De plus, le corps étant la principale référence d’identification, nous avons l’occasion de le percevoir autrement qu’à travers le regard, le discours d’autrui ou les diverses sollicitations. Ce rapport au corps est réconfortant et apaisant.
La sensation tactile se manifeste dans l’instant, alors que l’objet des pensées est nécessairement passé ou futur. L’attention au corps nous ramène au présent et nous libère de l’identification au passé qui fait irruption à toute occasion. C’est une référence qui nous permet de distinguer le présent de passé et futur, et ainsi éviter de nous perdre dans nos projections sur l’un ou l’autre.
Alors qu’une pratique superficielle nous aidera peut-être à nous détendre un peu, une pratique d’approfondissement nous permettra d’abaisser suffisamment la « barrière du corps », c’est à dire la somme des tensions mises en place pour « ne pas sentir » : si dans le passé un évènement a été douloureux, voire traumatisant, tout ce qui pourrait nous relier au souvenir de cet évènement nous effraie. Nous craignons de souffrir à nouveau, alors que la réactualisation, dans de bonnes conditions, nous permettrait de nous débarrasser à la fois de ces craintes et des traces qui demeurent en notre mémoire sous forme de tensions ou de troubles divers (du sommeil et des rêves, principalement).
Séparément ou en association avec l’attention au corps, l’attention au souffle permet d’abord la détente. En général, dès que nous entrons en tension, nous avons pour habitude de serrer les dents, tendre les épaules, la nuque et bloquer le souffle. Le simple fait de faire attention à inverser ce fonctionnement (le souffle libre, la mâchoire relâchée), est le début d’un processus de relâchement plus complet.
Donc, les pratiques sur le souffle peuvent d’abord être simplement limitées au fait d’en prendre conscience, le sentir et le laisser aller librement. Ensuite seulement, nous pouvons apprendre à le conduire, voir les interactions entre notre souffle et notre fonctionnement mental. Petit à petit, notre concentration apaise le souffle et l’apaisement du souffle aide notre concentration. Nous pouvons aussi découvrir les liens entre souffle et énergie, toutefois l’objectif principal est l’apaisement, ce dont nous avons actuellement le plus besoin.
Progressivement, ayant abandonné tout ou partie de la « barrière du corps », s’étant entrainés à la concentration qui permet de demeurer observateur des cogitations automatiques, les tensions plus profondes, surtout émotionnelles et mentales pourront être perçues et progressivement traitées de la même façon que l’on a traité les tensions physiques, c’est à dire :
1 – prendre conscience
2 – accueillir
3 – lâcher
Ces trois phases peuvent se succéder dans un temps très variable. Un tel approfondissement ne se décrète pas ; on s’y dispose petit à petit en respectant la situation dans laquelle nous sommes, compte tenu de notre histoire, de nos besoins et en s’appuyant principalement sur notre potentiel, qui est un peu comme le soleil derrière les nuages : même quand on ne le voit pas, on sait qu’il n’est pas loin et se montrera bientôt.
Remarquons que les deux premiers des huit plans décrits par Patanjali, (« Yama » et « Niyama ») sont souvent éludés, voire ignorés dans l’enseignement du Yoga en Occident. Or, ils sont fondamentaux pour qui veut vraiment pratiquer le Yoga. Il s’agit des abstinences et observances. Chacun voit par lui-même dans quelle mesure il peut « s’y atteler ». Il ne s’agit nullement d’édicter des règles morales pour asservir le peuple ou pour alimenter la tendance à juger et condamner à toute occasion.
En effet, si nous comprenons qu’il s’agit d’une façon de devenir attentif à nos fonctionnements, au-delà des jugements, avec souplesse et bienveillance, nous pouvons nous intéresser à nos comportements, notre rapport à nous-même et aux autres, au monde en général et voir ce qu’il y a de créatif dans cette observation, lorsqu’elle est justement motivée et sereinement menée. Toutes les situations de la vie peuvent devenir l’occasion « d’être en yoga ».